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AH, ÇA IRA !

COMPTE RENDU DE NOTRE DEUXIEME FOIRE AUX PREPARATIONS

« Nous marchions gaiement sur un tapis de fleurs qui nous cachait un abîme. » Cette citation de Philippe Henri, marquis de Ségur, maréchal de France, illustre à merveille, hélas, cette deuxième foire aux préparations que notre association a organisée. L’an dernier, nous étions « sans regret pour le passé, sans inquiétude pour l’avenir ». Cette année, nous nous pensions au Bal de l’Opéra, nous étions encore moins que Marie-Antoinette dans sa grotte de la Butte aux Buis. Les États Généraux de l’Enseignement francophone sont entre-temps passés par là. Les langues anciennes et leurs professeurs seront embarqués dans la première charrette pour l’échafaud. La guillotine réformiste coupera proprement leur joli cou et la jeunesse d’aujourd’hui, privée de son passé, n’aura plus d’avenir. Mais brisons-là sur ce sujet. Ce bulletin s’en fait l’écho par ailleurs et nous vous avons relayé les dernières dépêches.

Revenons-en à cette matinée du samedi 15 octobre 2016. Nous avions tous rendez-vous à dix heures à l’Athénée Royal d’Enghien. L’athénée nous était ouvert sur invitation de notre collègue, Madame Isabelle Havaux. Nous la remercions encore mille fois pour son accueil. Sans elle, cette foire aurait eu moins d’éclat. La salle multimédia nous servit de lieu de réunion. Des boissons fraîches, du chocolat, du gâteau, des biscuits pour le corps ; de la bonne humeur, du dialogue fructueux, des idées novatrices pour l’esprit, les esprits. À nouveau, les participants réunis formaient un panel représentatif du corps professoral actuel : des hommes, des femmes, des jeunes, des plus jeunes, de la capitale, de la province, de l’enseignement officiel, de l’enseignement libre, de l’enseignement communal. Un vrai Tiers-État, ayant en lui « tout ce qu’il faut pour former une nation complète ». Ah, Sieyès…

Votre petit rapporteur ouvrit la séance. Que demandent les présents ? Primo, à rencontrer leurs collègues. Les occasions sont rares dans l’enseignement, trop rares. Les professeurs, surtout dans les petits établissements, se sentent isolés, aimeraient partager, confronter leurs idées, ne le peuvent pas. Notre association est là, là pour ça, pour créer ces occasions de rencontre. Secundo, à échanger des préparations. C’est l’objectif principal de cette matinée. D’ailleurs, chacun est arrivé les mains pleines de classeurs et de fardes, tous débordant de feuilles et d’originalité. Et pédagogie rimant avec technologie, chacun a apporté son attirail complet d’ordinateurs portables, de clés USB et de disques durs externes. Tertio, à résoudre les défis auxquels est confronté l’enseignement actuel des langues anciennes. Statut du cours de latin au premier degré, regroupements forcés des classes et des années, concurrence féroce des autres options, attitudes contraires des titulaires de ces dernières, absence de soutien de la part de certaines directions, interprétations divergentes des consignes et des circulaires, ad libitum… L’incertitude plane, la fuite à Varennes apparaît mieux préparée.

La discussion débute logiquement par l’enseignement du latin au premier degré. Le manuel Lux qui a initié des générations de latinistes aux merveilles de la langue éternelle, est mûr pour la retraite. Il ne répond plus aux exigences de la pédagogie actuelle et aux demandes de l’inspection. Le temps a accentué ses défauts, amoindri ses qualités. Le roi est mort, vive le roi ! La succession du Lux est assurée par deux nouveaux manuels : Prosper pour la première année, Felix pour la deuxième. Les professeurs ayant utilisé Prosper nous l’ont chaleureusement recommandé. Ses textes enchaînent littérature, grammaire, civilisation, version avec habileté. Les élèves en sont enchantés et édifiés. Remarquable : le Prosper existe également en édition numérique. Le débat rebondit sur la grave question du vocabulaire. Solution est avancée de constituer un lexique indépendant, avec les mots requis par le programme, auxquels seront adjoints ceux vus au fil des textes. Justement les textes ! Lesquels choisir ? Où trouver ceux les plus authentiques possibles ? À nouveau, le Prosper est recommandé. Bref, vous savez que demander pour vos étrennes…

Un glissando s’opère, suite à une constatation évidente : l’enseignement des langues anciennes manque cruellement d’une plateforme d’échange. Au XXIe siècle, le latin et le grec ancien ont vocation à se dématérialiser, se numériser, se mettre en ligne, à se télécharger. L’idée avait déjà germé l’an dernier : le site de notre association serait le récipiendaire idéal. Le temps, l’énergie, la matière nous a fait défaut, pas la volonté. Nous remettrons ce grand projet sur les rails. Deux pages seraient ouvertes, une pour le latin, une autre pour le grec ancien. Dans des répertoires consacrés à chaque année, des leçons originales seraient mises en ligne, en format PDF, avec la mention explicite de leur auteur. L’adresse e-mail de ce dernier serait transmise à tout internaute le demandant. Il serait alors possible de contacter le pédagogue démiurge, afin d’obtenir de lui le format Word. L’assemblée tomba d’accord : lançons les pages, même avec un minimum minimorum de contributions. Un appel aux volontaires de l’An II sera émis via notre liste de contacts. Toute matière utile sera la bienvenue.

Nos participants, satisfaits de ces progrès et de ces promesses, prirent une pause bien méritée. La reprise offrit la liberté à chacun de présenter ses préparations. Ce fut la véritable foire de la journée. Aucune empoigne, rassurez-vous, mais bien un étalage du nec plus ultra en matière de langues anciennes. Il y en eut pour toutes les années, pour tous les styles et pour tous les goûts. Des cahiers reliés, des fichiers informatiques en pagaille, des ouvrages sérieux, cocasses, drolatiques, des éclairs de génie, des jeux de société, des analyses socio-historiques assez hermétiques, des hors-séries introuvables, c’était Versailles et le Garde-Meuble réunis. La discussion devint générale, la photocopieuse chauffa, la matinée bouillonnait et atteignait sa pleine réalisation. Cette Assemblée quasi Nationale ne céda que devant les impératifs de l’heure. Le temps avait filé plus vite que la duchesse de Polignac sur la route de Rome. La porte se referma sur les débats ; la grille de l’Athénée Royal d’Enghien sur cette deuxième Foire aux Préparations.

La mission que s’était fixée notre association avait été parfaitement remplie. Dans nos têtes, bien posées sur nos épaules, nous étions confiants en l’avenir. Nous songions déjà à allonger les heures dévolues, car deux nous avaient semblé trop peu. Fous que nous étions ! L’orage allait bientôt balayer ce tapis de fleurs et nos pieds, plonger dans l’abîme. Voilà qu’on nous relègue au Temple. Finirons-nous comme la princesse de Lamballe ou le second Dauphin ? À choisir, plutôt comme La Rochejaquelein ! Je plaisante, j’ai sans doute tort car la situation est navrante et tragique. Mais ralliez-vous à notre panache blanc et ensemble, oui, ça ira !

Naïm HERAGHI

 

ASSOCIATION DE LA FWB POUR LES LANGUES ANCIENNES

Foire aux préparations 2016

Activités

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Foire aux préparations

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