Chers membres, chers collègues, chers amis,
Veni, vidi, vici. Ô combien il fut simple à Jules César de vaincre Pharnace II et d’en communiquer la nouvelle au Sénat. Il vint, il vit, il vainquit et les braves habitants du Pont n’eurent plus qu’à apprendre le latin, la plus merveilleuse des langues (déjà à l’époque). Ô combien il est difficile à un professeur de langues anciennes de vaincre l’Ignorance et l’Incompréhension et d’en communiquer la nouvelle au Monde. Il vient, il voit, il se bat et les braves langues n’ont plus qu’à prendre les élèves comme ils sont (lorsqu’ils sont).
Les enseignants des cours de latin et de grec ancien sont bien les Jules César d’aujourd’hui. Intrépides, audacieux, toujours prêts à franchir le Rubicon, ils osent s’aventurer dans les territoires inconnus, sombres et mystérieux de la Gaule adolescente. Ils chevauchent jour et nuit, des mois durant, jusqu’à atteindre le Rhin et la Moselle, parfois dans des autocars bondés (les pauvres !). Le glaive dans une main, le stylet rouge dans l’autre, ils forment intellectuellement des hordes chevelues et dépoitraillées, qui avant leur arrivée, ne pratiquaient qu’à peine l’écriture. Et le soir, dans leur lit, nos conquérants rédigent leurs mémoires, tout en songeant à Rome, où ils retourneront à la belle saison.
Mais, ces professeurs ont besoin de plus de trois mots pour remporter leur campagne militaire de dix mois. Il leur en faut des milliers. Et d’y ajouter par-dessus leur propre corps, dernière rempart de la Civilisation, ultime palissade entre le Contrat Social et l’État de Nature, entre l’Ordre et le Chaos, la Démocratie et le Néant. Vous les comprendrez : ils ont besoin d’aide et de soutien. Ils ont besoin d’une association forte et solidaire, qui les porterait jusqu’à la victoire ultime : le Diplôme, montagne mythique entre toutes.
Par chance, cette association existe : c’est la nôtre, c’est l’ACFLA, l’Association de la Fédération Wallonie-Bruxelles pour les Langues Anciennes. Son but est noble et élevé, ses membres sont brillants et compétents (en plus d’être incroyablement beaux et dynamiques), son réseau est vaste et étendu. Son constat est pourtant moins rose : le danger guette, les bêtes rôdent dans l’obscurité, derrière la palissade. L’enseignement des langues anciennes n’est plus valorisé, les élèves s’en détournent, l’opinion publique soupire « À quoi bon ? ».
Certes, certes, le latin et le grec ancien n’ont jamais aidé quiconque à changer un pneu, déboucher un évier ou réussir un vacherin. Mais est-ce cela que l’on doit attendre d’une langue et d’un cours de langue ? Évidemment, non. Ce serait du dernier des absurdes. Ce qu’offre l’enseignement des langues anciennes relève de l’humanisme, de la Renaissance, des Lumières : une formation de l’esprit, une élévation de l’âme, une naissance de la pensée.
Notre association en demeure convaincue et est bien décidée à lutter chaque instant pour rendre à ces valeurs leur juste place et leur juste mérite. Nous nous battons pour demain, pour l’avenir et pour nos enfants. Pour qu’ils deviennent des citoyens éclairés et responsables. Pour qu’ils perpétuent la mémoire des siècles. Et parce que la grammaire, le vocabulaire, les exercices, les versions, nous, on aime bien ça !
Plus nous serons nombreux, plus forts nous serons, plus sereins nous deviendrons. Que vous soyez enseignants, parents, élèves, amis ou amoureux des langues anciennes, nous vous attendons dans nos rangs. Rejoignez-nous sans plus attendre et soutenez notre action pour la défense des langues anciennes. À votre tour de devenir Jules César, de conquérir le Monde et de terminer dans les bras de Cléopâtre (Ah, ce nez, ce nez !).
Claire VERLY
Professeur de langues anciennes à l’Athénée Royal de Koekelberg
Présidente de l’ACFLA